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Un "Rêve d’automne" où amour rime avec mort et remords à la Comédie de Genève

Une scène de la pièce "Rêve d'automne" de Jon Fosse, mise en scène par Denis Maillefer à la Comédie de Genève.
Une scène de la pièce "Rêve d'automne" de Jon Fosse, mise en scène par Denis Maillefer à la Comédie de genève.
Jusqu’au 28 janvier à la Comédie de Genève, le metteur en scène Denis Maillefer présente "Rêve d’automne" du dramaturge norvégien et Prix Nobel de littérature Jon Fosse. Derrière les tombes d’un cimetière vit le désir.

Un cimetière à la saison des feuilles mortes. Elle et lui se rencontrent parmi les tombes. Est-ce un hasard ou une prédestination? Il est marié, elle est restée célibataire. Ils se sont connus autrefois et leur désir mutuel reste intact.

Au milieu de ces alignements de dalles carrées et de colonnes de ciment, il a l’air bien emprunté dans son pardessus noir. Elle, en revanche, est une explosion de couleurs dans ce paysage gris: chevelure blonde, jupe bleue, pull rose, veste orange et cette chaussure brune qu’elle garde à la main après en avoir pourtant extrait le petit caillou qui la gênait.

Les mots ciselés de Jon Fosse

Elle et lui, ce sont Isabelle Caillat et Vincent Fontannaz, jouant sur le fil des mots ciselés par le dramaturge Jon Fosse. Dernier Prix Nobel de littérature, le Norvégien n’est pas très familier du grand public. Il est en revanche une plume appréciée et souvent jouée du monde du théâtre.

Aujourd’hui, sur la scène de la Comédie de Genève, c’est le metteur en scène Denis Maillefer - ex-codirecteur de cette institution - qui donne corps à ce "Rêve d’automne". Avant lui ce furent Patrice Chéreau, Claude Régy ou Thomas Ostermeier, des grands noms des arts de la scène qui furent également fascinés par cette écriture singulière.

Immense espace de jeu qui fait merveille

Un texte de Jon Fosse, c’est peu ou pas de ponctuation, des phrases répétées maintes fois, d’autres inachevées, des passages à la ligne réguliers et des personnages qui n’ont pas d’identité. A la lecture, cela peut surprendre, rebuter peut-être.

Au plateau, cela offre un immense espace de jeu qui fait merveille. Dans "Rêve d’automne", on découvre une écriture au plus près du langage parlé, parfois drôle malgré sa dimension mélancolique. Jon Fosse a grandi au bord d’un fjord et l’on pourrait comparer son écriture au chant du ressac. Il y a cette houle, ce rythme des vagues frappant le rocher, ce mouvement perpétuel qui semble identique tout en n’étant jamais identique.

Un récit en apnée qui se moque des temporalités

Il ne faut pas oublier le titre de cette pièce. "Rêve d’automne" est peut-être un conte de nécropole, une histoire de spectres, un récit en apnée qui se moque des temporalités. Dans ce cimetière entouré d’arbres agités par le vent, différentes époques s’entremêlent et l’on mesure avec surprise que le temps a passé.

Le couple croise d’autres personnages: son ex restée proche de ses beaux-parents; le jeune fils, invisible, mal en point; et puis le père et la mère qui ne l’ont jamais revu, lui, le fils unique au pardessus noir. Amour rime avec mort et remord.

On se laisse emporter par ce récit lissé par des musiques à l’inspiration pop mélancolique, de Radiohead à Sufjan Stevens, une signature chez Denis Maillefer. Au duo inspiré des amoureux s’ajoutent le jeu formidable de justesse de Joëlle Fontannaz, Marie-Madeleine Pasquier et Roland Vouilloz. A la fin de ce "Rêve d’automne", leurs paroles nous raccompagnent délicatement vers la sortie du théâtre où nous nous apprêtons à rejoindre nos propres fantômes.

Thierry Sartoretti/olhor

"Rêve d’automne" de Jon Fosse, mise en scène Denis Maillefer, La Comédie, Genève, jusqu'au 28 janvier 2024.

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